Dossier - La bicyclette, ça ne sert pas qu’à escalader les cols ou à flâner dans les chemins creux. Aujourd’hui, elle s’impose comme un mode de transport à part entière,
rapide et doux. La petite reine se révèle même une bénédiction pour vos mollets et votre porte-monnaie. Roulez jeunesse !
Article publié dans le magazine "Terra Eco" N°46 en avril 2013
On dit que le vélo ne s’oublie pas. Pourtant, l’histoire de la bicyclette en France ressemble à une soudaine amnésie. Nos corps et nos villes ont perdu de vue, en quelques années, ces gestes
circulaires et répétés qui avaient permis aux foules de se déplacer en toute autonomie et à bas coût depuis le début du XXe siècle. De 1976 à 2007, la pratique quotidienne du biclou a diminué de
moitié. Les plus jeunes ont été les premiers frappés. Il y a trente-cinq ans, ils enfourchaient leur bécane pour un quart de leurs déplacements et ne prenaient la voiture que 12 % à 15 % du
temps. Aujourd’hui, la fourchette se situe entre 2 % et 10 % pour la bicyclette et entre 20 % et 30 % pour l’auto.
« Dans les années 1960, il était incongru de se rendre à l’école en voiture, c’est aujourd’hui devenu la règle », résume l’universitaire Frédéric Héran dans La Ville morcelée (Economica, 2011).
Pour lui, c’est parce que l’on a voulu favoriser la vitesse automobile que l’on a fragmenté les villes et entravé les déplacements à vélo et à pied. « Chaque grande infrastructure favorise les
déplacements rapides, mais constitue en même temps pour les modes actifs un obstacle peu franchissable », poursuit l’économiste dans son ouvrage.
« Une révolution dans les esprits »
Et pourtant, le vélo file toujours plus vite que la voiture en ville (Si, si, on a vérifié ici). Depuis cinq à six ans, les Français reviennent tout de même dans le peloton. Certains à cause du
prix de l’essence qui flambe, d’autres parce qu’une grève des transports ou une panne les a contraints à remonter en selle et que ça leur a plu. D’autres encore grâce aux vélos en libre-service.
« Il y a un changement de comportement face au vélo, une révolution dans les esprits. Il redevient un moyen de transport pour tous », assure Jean-Marie Darmian, président du Club des villes et
territoires cyclables.
Il était temps. Pour notre santé, d’abord. Un Français sur trois est trop gros, et un sur deux ne fait pas assez de sport. Une demi-heure d’exercice par jour, par exemple le nez dans le guidon,
suffirait à les sortir de la sédentarité. Et, contrairement à ce que pense votre tante Jeanine, ils ne le feraient pas au péril de leur vie ! Les bénéfices sanitaires d’une pratique régulière du
vélo (baisse de l’obésité, des cancers et des maladies cardio-vasculaires) seraient même vingt fois supérieurs aux risques encourus. Et plusieurs études montrent que le nombre d’accidents
n’augmente pas avec la hausse de la pratique et que le cycliste est même moins exposé à certains polluants qu’un automobiliste confiné dans son habitacle. Prends ça, tante Jeanine. Et grimpe sur
ton biclou !
Le vélo n’est pas bon que contre les bourrelets, il est aussi une bénédiction pour le porte-monnaie. Pour vous, d’abord, parce qu’en danseuse vous ne brûlez pas de gazole. Et pour la collectivité
aussi. Car le vélo ne pollue pas, ne fait pas de bruit, prend peu de place. Les 4,4 milliards de kilomètres parcourus par les cyclistes de l’Hexagone feraient donc économiser au moins 160
millions d’euros par an à la collectivité, selon le cabinet Atout France. En tentant de mesurer le gain financier des vies sauvées grâce à la pratique régulière du vélo, l’institut aboutit même à
la coquette somme de 5,6 milliards d’euros par an, soit 1,21 euro par kilomètre parcouru ! Des chiffres qui pourraient être portés respectivement à 700 millions et 15 milliards d’euros, si la
France rattrapait le taux de pratique de ses voisins européens les plus performants en la matière.
Continuer à changer les villes
Pour cela, il faut continuer à changer les villes et leurs (grandes) périphéries. Dominique Lebrun, le monsieur vélo du gouvernement, préconise un sérieux changement de braquet : « Il faut
encourager les zones 30 dans les zones résidentielles et limiter les 50 km/h aux grands axes, où l’on prévoit du coup des aménagements cyclables. » Il espère des annonces en ce sens « au
printemps » et évoque aussi des amendes plus lourdes pour les voitures garées sur les pistes, ainsi que des indemnités pour les salariés qui vont au boulot à vélo. Geneviève Laferrère, présidente
de la Fédération des usagers de la bicyclette, regrette, elle, que « le gouvernement a[it] pour l’instant plus communiqué sur la voiture électrique que sur le vélo ». Jean-Marie Darmian confirme
et appelle à un vaste plan pour favoriser « une rupture psychologique ». Selon lui, « il faut faire de la pédagogie. En Amérique du Sud, des portions d’autoroutes sont neutralisées le dimanche ».
Les pages qui suivent visent à contribuer à ce changement de regard. Après leur lecture, nous vous recommandons de suivre le conseil de Didier Tronchet, dans son Petit Traité de vélosophie (J’ai
lu, 2000) : « Quand vous verrez passer un cycliste, ne vous fiez pas à son allure inoffensive. A sa façon, il est en train de changer le monde. » —